Semaine juridique – Ed. Gén. – 17 octobre 2016 – Interview d’Etienne Deshoulières et Jérôme Giusti

Pourquoi créer une plateforme d’arbitrage dédiée aux entrepreneurs ?
Jérôme Giusti . : Les contentieux entre entreprises représentent un frein au développement économique. Une
procédure classique en première instance devant les tribunaux de commerce atteint en moyenne
une année et coûte près de 20 000 €. C’est bien trop cher et bien trop long pour la plupart des litiges
des PME.
Notre souci est de simplifier l’accès à la justice des entrepreneurs. Et la plateforme FastArbitre
répond à ce défi. Notre promesse est d’offrir un accès à la justice moins cher, plus rapide et
totalement dématérialisé !
La plateforme FastArbitre est née de l’association entre des avocats, magistrats, médiateurs et
business développeurs des LegalTechs qui sont convaincus qu’il est possible pour les entrepreneurs
de régler leurs litiges rapidement et efficacement, tout en restant focus sur leur business.
Notre équipe a passé de longs mois pour concevoir et réaliser cette plateforme dans le but de
proposer à ses utilisateurs une méthode originale qui leur permet d’exposer et de défendre le cas en
justice, le plus simplement et le plus naturellement possible.
Notre volonté est de démocratiser les procédures d’arbitrage dans l’ensemble du tissu économique.
L’arbitrage n’est pas réservé aux grands groupes multinationaux ou aux affaires dont les enjeux se
mesurent en millions d’euros. L’arbitrage peut devenir un mode de résolution des litiges entre
entreprises, innovateurs et autres startupers. Que ce soit des litiges commerciaux, contentieux
autour de la propriété industrielle, différends entre associés ou avec les investisseurs, tous les
accidents juridiques qui obèrent le développement du business ont vocation à être traités par
FastArbitre.

Quels sont les avantages pour l’entreprise de ce mode numérique de résolution des litiges ?
J.G. : Tout nouveau service doit répondre aux besoins, s’adapter aux usages et préférences et
correspondre aux comportements de l’audience visée (les entrepreneurs, les juristes et conseils).
Le principe qui nous a guidés est de bâtir un service innovant pour qu’il soit utile et utilisable par le
« profane » comme par le juriste.
La plateforme en ligne FastArbitre a pour objectifs :
-De rendre une sentence arbitrale exécutoire dans un délai de 2 mois à compter de la saisine
du tribunal arbitral ;
-De faciliter l’accès à la justice en proposant des prix raisonnables, adaptés à l’enjeu et la
complexité du litige ;
-De garantir que le litige sera tranché par un arbitre bénéficiant de compétences étendues et
d’une expérience éprouvée dans le domaine contentieux en question.

Etienne Deshoulières : Au-delà des avantages reconnus de la procédure d’arbitrage traditionnelle, FastArbitre propose
trois innovations techniques qui nous différencient nettement de la justice étatique. En premier lieu,
nous avons modélisé les litiges entre professionnels au moyen de formulaires interactifs. A chaque
étape, nous guidons l’utilisateur et lui proposons de renseigner des évènements-types et de formuler des demandes-types.  En second lieu, les informations collectées sont organisées chronologiquement
pour faire apparaître une cartographie du litige. Les faits contestés, qui apparaissent en rouge,
permettent aux utilisateurs de visualiser immédiatement le nœud du litige. Enfin, l’arbitre rend une
pré-sentence, qui peut faire l’objet de commentaires et de communications complémentaires par
chaque partie. Ce fonctionnement interactif permet d’instaurer un débat horizontal entre les parties
et l’arbitre, qui s’oppose à la relation souvent verticale qu’entretiennent les parties avec le juge
étatique.

Un logiciel peut-il respecter les grands principes (en en citant quelques-uns) de l’arbitrage ?
E.D. : La procédure d’arbitrage sur la plateforme est bien évidemment régie par un règlement
d’arbitrage, qui respecte les règles impératives du code de procédure civile. Mais ce règlement
d’arbitrage n’a pas besoin d’être lu en détail pour utiliser la plateforme. Le legal design et
l’architecture de la plateforme remplacent à la lecture fastidieuse du règlement d’arbitrage.
Finalement, le code informatique (la plateforme) remplace le code juridique (le règlement
d’arbitrage), en offrant un environnement intuitif aux utilisateurs.
Ce code informatique est conforme aux règles juridiques, et notamment aux principes directeurs du
procès énoncés par le code de procédure civile.
Les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leur prétention (article 6 CPC) et de
fournir les pièces correspondantes (article 8 CPC). Mais contrairement aux tribunaux étatiques, elles
n’ont pas besoin de respecter le formalisme de l’assignation ni à faire signifier leurs actes par voie
d’huissier. Le logiciel guide l’utilisateur pas à pas, en s’affranchissant du formalisme judiciaire.
Il n’y a plus besoin de greffiers ni d’audiences de procédure, c’est le logiciel lui-même qui permet
d’instruire très largement le litige. C’est seulement en fin de processus que l’arbitre intervient, afin
de poser des questions aux parties pour compléter le dossier.
L’arbitre peut alors inviter les parties à fournir toutes explications de fait (article 8 CPC). Il peut le
faire en ouvrant un débat sur une pièce, en posant des questions aux parties ou en prenant des
ordonnances de procédure (article 10 CPC). A nouveau, le processus se différencie du débat judiciaire
étatique, en ce qu’il permet d’ouvrir des espaces de discussion réellement interactifs.
En toutes circonstances, les parties et l’arbitre observent le principe de la contradiction (article 16
CPC). La plateforme les contraints à respecter les règles d’un débat contradictoire, tout ce qui est
échangé sur la plateforme étant accessible pour les parties et l’arbitre dans leur espace personnel et
notifié par email.
In fine, ce seront les juridictions étatiques qui, saisies dans le cadre d’un recours en annulation,
garantiront le caractère équitable de la procédure sur notre plateforme (article 6 ConvECH).